Déforestation, gaz à effet de serre, épuisement des ressources en eau, l’impact de la production de notre alimentation sur les ressources de la Terre est de plus en plus important. En 2019, les experts du Giec nous rappelaient déjà au travers de leur deuxième « rapport spécial » sur l’impact du réchauffement climatique comment nos pratiques agricoles et notre gestion des forêts influencent le climat (vulgarisation en français par mon ancien collègue Noé Lecoq ici). Alors que la forêt amazonienne voit sa déforestation s’accélérer de manière catastrophique et qu’un tiers de la nourriture produite dans le monde est toujours jetée pour cause de surconsommation, il faut opérer à un changement radical de notre alimentation et de notre gestion de l’agriculture.
J’entends souvent en consultation des gens me demander “Oui mais alors qu’est-ce je dois faire” ? Cet article n’a pas pour vocation de vous culpabiliser, vous n’êtes pas le problème. Il ne dit pas non plus qu’on “est fichu”. Le but est de partager la complexité de l’équation. Et à la question “que faire”, je vous propose quelques pistes en fin d’article.
La banane, un super-aliment
Banane, avocat, mangue, oléagineux, dragon-fruit, algues etc, sont autant d’aliments qui viennent des anciennes colonies. Ils ont été analysés et sélectionnés par le monde de la santé alimentaire pour leurs propriétés nutritives. Ils sont tous riches en micronutriments (vitamines et minéraux) et rentrent dans les aliments de choix de ce qu’on appelle la “cuisine vivante”.
La cuisine vivante c’est un ensemble de concepts et produits favorisant la nutrition. Ce sont des aliments comportant un fort taux de nutriments qui doivent donc être naturels, non transformés, ne comportant pas d’additif chimique, et facilement assimilable par l’être humain. L’Alimentation Vivante va donc se tourner vers les aliments crus et biologiques d’origine végétale comme les fruits et légumes, les graines germées, les oléagineux, les jus de jeunes pousses comme le jus d’herbe de blé, les laits végétaux,… (source)
Les limites du système
Alors que la cuisine vivante nous promet une agriculture intégrée, naturelle, saine, en biodynamie et en toute cohérence avec les cycles de la nature, la vérité est bien différente.
En Belgique, comme dans grand nombre de pays occidentaux dans lesquels cette nouvelle tendance va chercher ses adeptes (blancs, CSP+, entre 30 et 50 ans, résidants d’ancien pays colonisateurs, privilégiés) les avocats, les noix de cajou, les noix de coco, les graines de chia, les amandes, les graines de lin, les graines de tournesol, les grenades, les mangues, les dragon fruit, l’ananas, le soja (…) ne poussent pas dans les jardins !
En fait, tous ces aliments poussent dans les anciens pays colonisés comme l’Asie du sud-est, l’Amérique latine, les pays du maghreb ou encore le moyen orient. Dans ces pays, les normes sociales et environnementales ne sont pas plus (ni moins) la priorité des Etats qu’en Europe. Ces pays, ne sont pas la porte à côté, il y a donc un impact CO2 pour leur transport, des questions à se poser sur leurs conditions de stockage, leurs cycles de maturation… Et n’oublions pas que ce qui se cache sous la question du bio est beaucoup plus complexe que ce qu’on veut bien nous dire comme #Investigation nous en parlait récemment :
Autre exemple, les laits végétaux sont meilleurs pour la santé et pour nos valeurs. Ils sont sans antibiotique, sans lactose, sans violence animale. Mais connaissez-vous l’impact social et carbone d’un kilo d’amandes ? Il n’est pas absent. L’impact est meilleur que celui du lait de vache c’est vrai, donc le lait d’amande (de riz, de soja etc) reste préférable pour des raisons climatiques globales aussi. Mais le vrai problème réside bien dans le maintient de l’agriculture traditionnelle. Faire basculer massivement le choix des consommateurs vers le lait végétal est un petit geste utile mais n’est pas une solution durable. Il le sera le jour où l’agriculture belge (ou au moins européenne) produira ses propres amandes de façon responsable dans le respect de l’agroécologie.
Et enfin un dernier exemple très parlant, dans un supermarché, on retrouve dans le même rayon des pommes (2,50 €/kg) et des ananas (2,50 € la pièce, soit 1,5 kg). Les pommes viennent de chez nous, l’ananas vient de l’île de la Réunion ou du Costa Rica et a donc dû parcourir 15 000 kilomètres en avion pour terminer à côté des pommes. Il aura donc fallu plus de 2 litres de kérosène pour acheminer un ananas jusqu’en Belgique, ce qui correspond à pratiquement 5 kg de CO2 libéré pour un ananas. Cela représente la quantité de CO2libéré pour la production de 10 kWh d’électricité au moyen d’une centrale électrique au gaz.
Source : Ici
Equilibre des propos et équilibre alimentaire
Donc l’alimentation vivante est un système alimentaire (un régime donc) qui se “pense” avec sa tête pour faire du bien à son corps. Ou encore, un système qui néglige ou nie tout aspect culturel, social, environnemental, somatique et émotionnel à la nourriture.
Dans la nutrition, comme dans tous les domaines, il y a le bon sens et il y a le contrôle. Si le bon sens est bien souvent créateur d’alignement, de tolérance et d’ouverture d’esprit, il semble que le contrôle, lui, ait une petite tendance aux effets collatéraux qui peuvent avoir des conséquences vraiment terribles sur le monde qui nous entoure.
Nous devons changer notre alimentation, c’est urgent ! Et c’est vrai que pour ce faire, nous ne devons pas négliger notre santé. Mais nous ne pouvons pas faire peser le poids de ce changement sur les populations ressources déjà stigmatisées et en première ligne des catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique.
Le plaisir et les émotions sont important.es à un niveau individuel, il ne faut pas les négliger. Mais il ne faut pas négliger non plus que l’exotisme n’est pas la seule source de curiosité et de plaisir disponible. Les règles de base sont donc : manger local, de saison, sans pesticides ET équilibré. Si vraiment on a un crush pour l’avocat ou les aliments exotiques, il faut savoir se faire plaisir de temps en temps tout en se tournant aussi vers les plaisirs de notre culture locale.
Quelques projets en région bruxelloise auxquels vous pouvez vous intéresser pour comprendre, découvrir, être curieu.se, être gourmand.e tout en étant cohérent.es : Smala farming, Smala cooking, Brut food, La ferme du chant des cailles, Le début des haricots, la ferme nos pilifs, alimentation géniale, Brut by Färm, Fermenthings, Brutus… Et pour trouver l’inspiration en Wallonnie, vous pouvez découvrir les projets de ceintures alimentaires ou encore le travail de l’ASBL Nature et progrès qui recense les projets qui tentent de faire du sens.