la courbe d’IMC (BMI), ce qu’on ne vous a pas dit !

Aujourd’hui, parlons de normes. Une fois de plus me direz-vous ?!? Oui mais cette fois, parlons de normes dans les formes de corps. Un sujet traité dans le workshop “Riots not Diets” qui parle de l’alimentation dans son caractère politique et sociologique de la terre au corps. Des sujets dont je ne suis pas la seule à parler évidemment… et heureusement !

Le saviez-vous ?

A l’heure actuelle, en un regard, ou pour les plus “techniciens” d’entre nous, en un chiffre donné par la courbe appelée IMC (indice de masse corporel – ou en anglais BMI, Body mass index), on catégorise les gens, on les juge et on les rentre dans des cases.

Les cases dont je parle sont celles des formes de corps. Sur base de ce qu’on pense voir dans ce corps qu’on regarde, on tire des conclusions sur “l’état de santé” des personnes. Schéma mental qu’on produit principalement pour les personnes grosses ou maigres. Dans la médecine on fait exactement pareil. Mais pour justifier ce jugement, on utilise ce qu’on appelle la courbe d’IMC. 
Découvrez des témoignages édifiants à ce sujet au travers de cette sélection d’articles sur la grossophobie et la violence médicale : libération, RTBF tendance, France info et surtout ce blog-post de Gras politique qui recense les témoignages et ose les lier au médecin en question ici

Ces jugements ne sont en aucun cas le reflet de la réalité puisque, dans les métiers de l’alimentation, s’il y a une chose que l’on sait c’est qu’il y a des personnes grosses en parfait état de santé et des personnes “normales” (je déteste ce mot mais vous voyez où je veux en venir) dans un état nutritif absolument désastreux. 

IMC, tenants et aboutissants

L’IMC est, comme son nom l’indique, un indice, un chiffre qui nous permet de catégoriser les corps comme l’industrie agroalimentaire catégorise et calibre les tomates (oui j’ose).

J’espère qu’on est tou.tes d’accord pour dire que dans le monde des végétaux, la taille, la forme et l’équilibre esthétique qui semble émaner d’une tomate calibrée par l’industrie agroalimentaire au milieu de ses copies dans un rayon carrefour, ne nous donne absolument AUCUNE information sur les propriétés organoleptiques de cette même tomate ? (Organoleptique = qui se rapporte au goût, la flaveur, l’odeur).
Les facteurs clefs de succès d’une bonne tomate au goût idéal sont le soleil, la qualité de la terre qui l’a vue pousser (minéraux), l’absence d’attaques extérieures (…). Hé bien c’est la même chose pour les corps comme je l’expliquais précédemment, leur forme ne nous donne AUCUNE information sur l’état de santé de la personne.

Pourtant c’est bien l’information qui est utilisée par l’IMC en voulant calculer le taux de gras corporel chez une personne. L’IMC base son résultat sur l’équation suivante : IMC = P/T2 (selon l’OMS) avec P, le poids (en kilogrammes) et T, la taille (en mètres). L’IMC s’exprime donc en kg/m². Malheureusement, cette équation ne permet aucunement de définir le taux de gras corporel puisque la valeur “poids” ne fait pas la différence entre la masse musculaire, la masse osseuse et la masse graisseuse. C’est pourtant bien l’information sur la masse graisseuse (ou son absence) dont on a besoin lorsqu’on souhaite travailler sur la question des risques de l’obésité ou de la maigreur. Objectif non atteint donc.

Ajoutons à cela le fait qu’aucune information n’est non plus donné sur l’état émotionnel (psycho-somatique), le temps consacré à l’activité physique, le nombre et la qualité des repas pris quotidiennement, les pathologies présentes ou sous-jacentes, les carences en protéines, magnesium, fer, vitamines (etc) par ce calcul. Pourtant, cette liste de données que je viens d’énumérer comporte les seules et uniques indices d’un état de risques lié à l’alimentation mis en relation avec ce pourcentage de masse graisseuse dont je parlais à l’instant.

Mais quid des extrêmes me direz-vous ? Qu’en est-il de l’obésité morbide ou de la dénutrition ? Est-ce que l’apparence du corps ne nous donne pas quand même un indice intéressant ? La réponse est oui, certains indices sont détectables à l’oeil nu et ne nécessitent d’ailleurs aucun chiffre. L’apparence du corps peut donner au personnel médical une information sur un potentiel état nutritif dans le cas des extrêmes de la courbe mais cette information n’est valable que dans le cadre où le/la médecin utilise ses connaissances pour proposer des analyses complémentaires en cas de mal-être, de symptômes, de pathologie avérée ET dans tous les cas à la demande du patient (c’est à dire, sous couvert de son consentement). 

Si on en revient aux articles en lien dans le premier paragraphe de cette page, la réalité du terrain est bien différente.

Mais pourquoi parler de norme, d’où vient-elle ?

Considérer qu’il existe une norme en terme de forme de corps est définitivement une idée culturelle et collective. Pour rappel, nous vivons dans une société patriarcale, si cette norme existe pour tous les corps, la violence de son poids social s’applique principalement sur les corps des femmes, considérées, toujours à l’heure actuelle, comme “objets de désir”. Dans un monde qui s’ouvre sous les pieds de celleux qui possèdent les richesses (terres, argent, ressources, pouvoir….), la norme à atteindre a toujours été celle des puissants. On peut caricaturer cette idée ainsi “Pour rejoindre leur groupe, il faut leur ressembler”. A une époque, celle de la colonisation (oui, oui), la norme à atteindre pour les corps des femmes était donc calquée sur le style des épouses des propriétaires terriens, peau laiteuse, embonpoint, qualificatifs qui étaient considérés comme des signes extérieurs d’oisiveté et donc de richesse.

Au XXI ème siècle, siècle de la performance, le corps des femmes doit être athlétique, filiforme, qualificatifs que nous considérons comme des signes de “prise en main volontaire”, c’est à dire de contrôle du corps et de réussite. Et quand on y réfléchit, lorsqu’on analyse toutes les tâches quotidiennes qui sont exécutées par les femmes de la vraie vie (sans privilèges), trouver le temps de performer sur la question de la forme du corps est soit une question d’ADN, soit littéralement un exploit, soit définitivement un métier auquel on consacre donc 8 à 10h par jour, soit de nouveau un signe extérieur de richesse puisque dans la société capitaliste, “avoir le temps”, c’est avoir de l’argent. Aussi simple et compliqué que ça à la fois en fait (wink).

Sortir de l’imaginaire collectif

Si la question de la norme est culturelle, la culture, elle, ne se fait pas toute seule. Elle est valorisée, renforcée, promue par de nombreux éléments.

De nouveau, nous vivons dans une société patriarcale et capitaliste. La publicité est donc devenue, pour nous, un ancrage important de notre culture. Les corps que nous voyons (ou que nous ne voyons justement pas) nous invitent quotidiennement à calibrer ce que nous devons considérer comme “bien ou mal”. La publicité étant à l’image de notre société (patriarcale et capitaliste – performance, compétition, individualisme) elle nous renforce dans l’idée qu’il n’existe qu’une forme de corps qui soit fondamentalement désirable. Il existe certaines enseignes qui surfent d’ailleurs sur l’idée du #BodyPositivity ou encore #BodyDiversity pour rendre leur style plus éthique. Mais quand on voit les clichés et donc les inégalités sociales qu’on impose toujours en 2021 aux personnes grosses, on est clairement loin d’avoir transformé l’essai. (Article à lire)

Voilà pour aujourd’hui, je vous laisse donc avec le post instagram de Corpscools ci-dessous. Corpscools qui milite contre la grossophobie. Pour aller plus loin sur la question de l’IMC, vous pouvez lire cet article de passeport santé et je vous rappelle que pour aller plus loin sur le sujet, vous pouvez aussi trouver beaucoup d’éléments intéressant dans le workshop “Riots not Diets” :

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